Ce qui m’intéresse le plus dans les retours du script-doctor, c’est le fait qu’il renforce mes convictions. Que comme premier public de mon histoire, il comprenne mes intentions. Et puis bien entendu qu’il m’aide à les rendre plus claires, plus subtiles. Bref qu’il transforme mon scénario pour qu’il soit plus efficace ou, tout simplement, meilleur.

Antoine Carral

Antoine Carral : travailler avec un script-doctor

Réalisateur, scénariste

lescenario.fr : Antoine, vous êtes à la fois scénariste de vos projets et co-scénariste sur d’autres. Pour votre dernier scénario, pourquoi avez-vous sollicité un script-doctor plutôt qu’un auteur ?

Antoine Carral : Je collabore en effet parfois aux scénarios d’autres auteurs et j’ambitionne de le faire sur de gros projets à l’avenir. J’en lis énormément aussi dans le cadre d’échanges, de concours, de festivals… C’est très utile, cela participe de la formation continue.

Mais je dirais que mes projets personnels sont, par nature, intimes. Comme l’a dit Martin Scorsese « Un film se doit d’être intime ». Je me vois dès lors difficilement intégrer les idées de quelqu’un d’autre dans une démarche aussi profonde. Auprès d’un script-doctor, je ne cherche pas d’avis sur le sujet, sur son originalité ou sa faisabilité. J’attends de lui qu’il m’apporte un regard extérieur sur la structure de mon récit.

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lescenario.fr : Est-ce là votre définition du script-doctor ? Un spécialiste de la structure ?

Antoine Carral : Fondamentalement, oui ! Ce que J’attends du script-doctor, c’est qu’il m’aide dès l’étape du séquencier. Qu’il identifie clairement, en fonction de mes intentions, les 3 actes et qu’il m’aide à les structurer. Bien entendu, il va donner sa vision des personnages, de leur rôle, de leur évolution. Il va questionner la cohérence, mettre en évidence certaines redondances, pointer des faiblesse. Mais, pour moi, cela se limite à ça.

Antoine Carral (suite) : En fait, je dirais que ce qui m’intéresse le plus dans ses retours, c’est le fait qu’il renforce mes convictions. Que comme premier public de mon histoire, il comprenne mes intentions. Et puis bien entendu qu’il m’aide à les rendre plus claires, plus subtiles. Bref qu’il transforme mon scénario pour qu’il soit plus efficace ou, tout simplement, meilleur.

lescenario.fr : Et concrètement, sur votre projet de biopic, avez-vous obtenu ce que vous cherchiez ?

Antoine Carral : Absolument ! De ce point de vue du renforcement de mes convictions, cela ne fait aucun doute. Je vous cite un exemple. Moi, le cinéma qui me plaît, c’est celui qui parle beaucoup.  J’adore les films écrits par Aaron Sorkin, scénariste notamment de The Social Network. Un autre de mes films référence, The Matrix, donne lui aussi beaucoup de place au dialogue. Pour autant cela reste des films passionnants, dynamiques, de ceux que j’ai envie de voir.

Le script-doctor que j’ai sollicité, dans sa démarche, a longtemps insisté pour qu’on réduise au minimum les dialogues. J’entends bien l’argument, le bon vieil adage « show, don’t tell ». Mais pour moi, un homme en colère, il faut qu’il parle. Qu’il exprime ses émotions, ses frustrations aussi par les mots. Donc j’ai pu convaincre le script-doctor du bien fondé de cette place prépondérante du dialogue dans mon film. A partir du moment où il a intégré ce paradigme dans le projet, tout a été plus facile.

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lescenario.fr : A quel stade de son évolution se trouve votre projet aujourd’hui ?

Antoine Carral : Avec le script-doctor nous avons travaillé sur la première version de mon scénario de septembre à décembre 2002. J’ai commencé à démarcher les sociétés de production début 2023 avec une version qui me convenait. Avec le scénario, j’ai remporté un appel à projet de la DFC (Diversité du Cinéma Français). Nous avons entamé des discussions avec la productrice Sarah Lelouch mais, malheureusement, nous ne nous sommes pas entendus. Elle m’a fait une proposition de développement qui dénaturait le projet, et j’ai repris mon film et mon indépendance.

Ensuite, j’ai rencontré un autre producteur, séduit par le scénario. Nous avons beaucoup échangé mais ses délais de réponses se sont rapidement allongés pour des questions d’agenda. Aujourd’hui, je me suis rapproché d’un agent qui va m’accompagner pour mieux vendre le projet. Car à l’évidence, vu les retours enthousiastes, il a du potentiel.

lescenario.fr : Pensez-vous, pour vos prochains projets, continuer à recourir aux services d’un script-doctor ? Et si oui, comment procédez-vous au choix de la bonne personne ?

Antoine Carral : Oui, c’est une évidence pour moi, un script-doctor doit faire partie intégrante de mes projets. Même si la démarche n’est pas toujours simple. Car finalement, à chaque fois on s’expose, on se met à nu devant quelqu’un qu’on ne connaît pas.

Pour ce qui est du choix, je communique mes intentions dès le début. Je fais savoir au script-doctor ce que j’attends de lui, sans ambiguïté. Cela, à partir d’un projet unique, quel que soit son stade de développement. Je n’envoie pas trois idées de film en demandant au script-doctor quelle est la meilleure. Je sais dès le démarrage sur quoi je veux travailler. Ce sont mes intentions et mes convictions qui se trouvent au coeur de la collaboration. Si le script-doctor est ouvert d’esprit, que je le suis aussi, nous pouvons entamer le travail.

Antoine est l’un des membres fondateurs de Zodiac Films : https://zodiac-films.fr/